
Je débuterai ce blog en vous parlant de deux idées reçues à la vie dure, mais qui ont l’avantage, vous l’allez voir, d’équilibrer l’égo des scénaristes et autres adeptes de l’écriture audiovisuelle.
Idée reçue n° 1 : Le scénario est une oeuvre littéraire !
Pour la plupart des gens, écrire un scénario revient à écrire un texte dialogué en y ajoutant des descriptions minutieuses de l’action, des personnages et des décors.
Une sorte de compromis entre la pièce de théâtre et la nouvelle littéraire.
Comment pourrait-il en être autrement dans un pays où la croyance populaire assimile automatiquement l’écriture à la littérature, et l’auteur au romancier ou au grand écrivain !
Quand vous êtes un jeune auteur débutant, cette assimilation est plutôt agréable et encourageante. Cela vous permet de briller un peu aux yeux de votre entourage. Cela flatte votre égo.
Attention au retour à la dure réalité, que les producteurs et autres commissions de lecture ne manqueront pas de vous apprendre :
Un scénario n’est pas une oeuvre littéraire !
D’après la définition la plus couramment admise :
Un scénario c’est la description de l’action d’un film incluant les dialogues et les indications techniques.
Un scénario est donc la transcription écrite d’une oeuvre audio et visuelle qui présente les informations suffisantes et nécessaires que la caméra va filmer et ce que le spectateur va voir. Il décrit une succession d’images et de sons dont la finalité est de finir sur un écran de cinéma, de télévision, d’ordinateur ou tout autre gadget numérique à la mode.
Tout effet de style, si cher à la littérature, doit en être banni irrémédiablement, au même titre que tout ce qui est non visuel, non auditif, les pensées, les intentions, tout ce qui ne joue pas à l’image et tout ce qui ne sert pas l’histoire. Un scénario s’écrit toujours au présent et dans un style direct ; sujet, verbe complément. Les trois pivots d’une écriture efficace sont : la clarté, la concision et la simplicité.
Vous le constatez, nous sommes bien des préceptes habituels de l’écriture littéraire, de ses usages et de ses figures de style !
L’écriture d’un scénario nécessite une méthodologie spécifique, avec ses codes, ses règles, ses contraintes et ses conventions particulières.
Même si une partie de cette méthodologie est aujourd’hui universellement connue par énormément de gens, et c’est tant mieux, sa pratique et sa maîtrise nécessitent un travail rigoureux et professionnel…
Ce qui nous entraîne vers la deuxième idée reçue…
Idée reçue n° 2 : Scénariste ? Ce n’est pas un vrai métier !
– Vous écrivez des scénarios ?! Ah ça doit être passionnant !! Mais à part ça, pour gagner votre vie, vous faites quoi ?
– Non, non, c’est mon métier. Je suis scénariste professionnel.
– Écrire n’est pas un vrai métier ; c’est un talent que l’on possède à la naissance… ou pas !
Je ne sais plus combien de fois j’ai entendu ces paroles dans les dîners !
Et je vous fais grâce des couplets sur l’obscénité de gagner de l’argent à « écrire des conneries pour la télé ou le cinéma », et ceux sur l’obscénité primaire de vouloir gagner de l’argent quand on est artiste, etc., etc., etc.. Il y a d’ailleurs toujours, à ce moment-là, quelqu’un qui vous explique que Van Gogh n’a jamais vendu un tableau de son vivant et que cela ne l’a pas empêché d’avoir du génie, etc., etc., etc..
Si par malheur, vous demandez alors comment faire pour payer votre loyer, acheter votre nourriture et vos vêtements, une réponse, cinglante comme un éclair illuminant le ciel obscur un soir d’orage, vous arrive en pleine figure : « t’as qu’à travailler, comme tout le monde ! »
À ce moment précis, vous regrettez de ne plus bénéficier de l’aura admirative de l’idée reçue n° 1 ! De l’auteur admiré, vous êtes passé au rang de sangsue de la société.
Pourtant vous le savez, vous que c’est un vrai métier que celui de scénariste.
Vous savez le temps qu’il faut pour créer une histoire qui tienne debout et qui intéresse à la fois les producteurs, les diffuseurs et les spectateurs.
Vous savez le temps qu’il vous a fallu pour apprendre et maîtriser « la langue du scénariste », sa grammaire, ses codes, ses règles.
Vous savez le nombre de versions qu’il est nécessaire d’écrire avant de satisfaire le producteur, le réalisateur et les rôles principaux.
Et je ne vous parle pas de la négociation pour la fixation du prix du scénario, du minimum garanti et des différents pourcentages sur DVD et les produits dérivés !
Plus sérieusement, scénariste est un réel métier de passion, ingrat et difficile, sur lequel il faut sans cesse remettre son ouvrage.
Mais si le métier est difficile, la récompense est suprême ; une salle pleine qui vibre avec les personnages que vous avez créés, qui pleurent là où vous l’aviez décidé ou qui hurle de rire sur vos dialogues parfaitement ciselés.
C’est une joie extrême… multipliée par une joie extrême… et ainsi de suite !
Vous êtes-vous retrouvé dans une situation ou vous étiez soit adulé, soit totalement déconsidéré par rapport à votre métier ?
Racontez-nous votre expérience en laissant un commentaire ci-dessous
© Jean-Walter Muller ® Crédit photos et logos
AOûT
2011